Association française des utilisateurs de télécommunications

2023 : au pied du mur

A l'aube de cette nouvelle année, L'AFUTT fait le point sur les 3 grandes révolutions en cours dans les réseaux : la fin du RTC, l'extinction du cuivre et le passage de la 4G à la 5G

Le paysage des télécommunications est en train de subir l’un des plus grands bouleversements de son histoire. Avec la suppression en cours du RTC, l’extinction programmée et déjà engagée du cuivre et l’avènement de la 5G, c’est l’ensemble des infrastructures fixes et mobiles qui se trouve ainsi modifié en profondeur. Par voie de conséquence, la gamme des réseaux et services de communications électroniques proposée aux utilisateurs s’enrichie et s’élargie.

Pour bien comprendre la situation, passons en revue chacun de ces évènements.

La suppression du RTC

Le Réseaux Téléphonique Commuté (RTC) est le réseau historique des téléphones fixes,

Il fonctionne grâce à des commutateurs situés dans des bâtiments appelés centraux téléphoniques et ont pour fonction d’établir une communication point à point entre l'appelant et l’appelé, puis de maintenir cette communication jusqu’au raccroché. En ce sens ces centraux ont remplacé et automatisé le travail effectué précédemment par les fameuses « demoiselles du téléphone », les opératrices.

Ce réseau RTC ayant été construit et développé à partir des années 70, et la technologie suivante à savoir la Voix sur IP (VoIP) popularisée par les offres ADSL étant désormais largement déployée, il n’est pas étonnant que l’opérateur Orange (ex France Télécom) ait souhaité fermer ce réseau devenu obsolète.

Le plan de fermeture est aujourd’hui bien avancé. La fermeture dite commerciale qui consiste à ne plus prendre de nouvelles souscriptions sur ce réseau est effective depuis novembre 2018 pour les lignes grand public et depuis 2019 pour les lignes Numéris T0 d’entreprises. La fermeture technique, à savoir l’arrêt du service, commencera en 2023.

La première vague d’arrêt du service interviendra le 15 octobre 2023 et concernera 1 257 communes réparties par plaques sur 7 départements ; la deuxième vague interviendra le 15 octobre 2024 et concernera 1 190 communes réparties par plaques sur 8 départements.

Ce planning prévisionnel est susceptible d’être un peu modifié en cas de synchronisation avec la fermeture du cuivre dont nous parlerons plus loin.

On peut évaluer à environ 3 millions (3,9 millions en 2020, derniers chiffres communiqués) le parc de lignes RTC toujours en service aujourd'hui, notamment chez les professionnels.

Non seulement le service téléphonique mais aussi certains autres services ou terminaux peuvent être impactés par cette fermeture : télécopie, téléalarme, télémesure, télérelève, terminaux à carte, appels d'urgence. Par ailleurs, la ligne RTC alimente les terminaux en électricité ce qui n'est pas le cas des box sur ligne ADSL ou fibre optique qui viennent en substitution. Ces dernières nécessitent une connexion au réseau électrique ; et si l’on souhaite assurer la continuité de service face aux risques de coupure d’électricité, il faut leur adjoindre un onduleur avec batterie.

La fermeture du réseau cuivre

Le plan France Très Haut Débit (THD) vise à équiper tous les locaux résidentiels ou d'entreprise avec un accès aux services de communications électroniques sur fibre optique d'ici 2025.

Ce plan, décidé en 2013 est estimé à 20 milliards d'euros d'investissements publics et privés. Il prévoyait qu'à fin 2022, 80% des locaux seraient couverts, puis 100% en 2025. En mars 2022 nous étions rendus à 70% de locaux couverts.

Beaucoup d'observateurs étaient déjà sceptiques sur la possibilité d'atteindre exactement les 80% à fin 2022 et le sont aujourd'hui quant à atteindre les 100% à fin 2025. Il faut toutefois reconnaître que la dynamique de déploiement de la fibre optique sur le territoire français est forte et que la volonté politique et celle des parties prenantes sont au rendez-vous.

Dès lors, doit-on conserver la liaison en cuivre dans un local raccordé et éligible à une offre commerciale sur fibre ?

Pour Orange la réponse est non. On peut comprendre. Tenu, sous l'impulsion du gouvernement, d’investir dans la fibre mais aussi dans l'amélioration du réseaux mobile 4G (new deal mobile) et dans la 5G, il lui faudrait dans le même temps continuer à maintenir un réseau cuivre devenu obsolète.

Encore lui fallait-il l'accord du régulateur (ARCEP). A l'issue de son 6ième cycle d'analyse des marchés du haut et très haut débit fixe, ce dernier a rendu un avis positif sur le principe en décembre 2020, tout en fixant des règles pour la mise en œuvre, en particulier celle de la présence d’une offre sur fibre de chacun des quatre grands opérateurs nationaux sur le local concerné.

Orange a ensuite rédigé un plan de fermeture, rendu public en janvier 2022.

Ce plan prévoit que le réseau cuivre disparaîtra définitivement en 2030. Entre temps, d'ici fin 2025, une première phase consistera à fermer le réseau commercialement, c'est à dire qu'Orange, mais également tous les autres opérateurs, n'ouvriront plus de nouveaux abonnements, sur les plaques considérées comme fibrées. Cette phase est d'ores et déjà engagée et, en janvier 2026, il ne sera plus possible de souscrire un abonnement utilisant le réseau cuivre. Il faudra passer par la fibre ou une solution alternative (4G fixe, satellite...).

L'objectif de fusionner, à partir de 2023 la trajectoire de fermeture du RTC avec celle du cuivre évoqué dans le plan d'Orange serait de bon sens afin d'éviter d'éventuelles double migration pour les abonnés. A ce jour rien n'est clair sur ce point.

Quoi qu'il en soit, lorsque la situation se présente, et que le local est éligible à la fibre, notre conseil est d'envisager une évolution qui consiste à passer les abonnements RTC directement en VoIP sur box fibre, sans passer par l'étape box sur ADSL utilisant encore le réseau cuivre.

Il faut surtout avoir conscience que le passage à la fibre n'est pas une opération anodine. Elle induit souvent des aléas techniques et financiers. En effet, le raccordement final sur la zone privative n'est généralement pas encore effectué lors de la souscription. De nombreux retours terrain indiquent que ces derniers travaux peuvent mal se passer : forts délais de mise en service, malfaçons, écrasements de lignes, pagaille, désordres dans les colonnes techniques des imeubles.... Par ailleurs, des frais de raccordement parfois élevés peuvent être réclamés par l'opérateur, c'est le cas actuellement pour les entreprises situées dans les centres commerciaux, par exemple.

En matière de qualité de service, le réseau fibre est nouveau.  On manque de recul et d’indicateurs qu’en au nombre et la durée des pannes gênantes ou bloquantes. La situation peut être très différente d’un territoire à l’autre. En effet, il est important de comprendre que, sauf pour les zones très denses, il a été décidé de déployer la fibre sur un mode mutualisé, appelé BLOM (Boucle Locale Optique Mutualisée). Dès lors, sa mise en œuvre et son bon fonctionnement dépendent de deux acteurs : l’opérateur dit d’infrastructure (OI) et l’opérateur dit commercial (OC). Ce couple varie d’un territoire à l’autre. Bien sûr pour le client final le contrat est uniquement signé avec l’opérateur commercial, mais en cas de dysfonctionnement des allers/retours techniques avec renvoi de responsabilités entre OI et OC semblent inévitables.

L’avènement de la 5G

Tous les 10 ans environ, les réseaux mobiles publics évoluent et s’améliorent, chaque saut technologique étant identifié par un numéro incrémental de génération. Nous sommes a peine rendus à la 5ième génération (5G) que certains préparent déjà la 6G !.

Deux ans après l’attribution des licences et les premières ouvertures commerciales, le bilan de la 5G est assez mitigé. L’adoption par les utilisateurs est timide. Environ 2% du parc des forfaits mobiles est actuellement en 5G, et peu d’informations circulent à ce sujet.

Rien d’étonnant en vérité que ce démarrage soit poussif. Pour profiter de la 5G il faut disposer d’un téléphone compatible, souscrire un abonnement 5G, et surtout se trouver sous couverture 5G sur ses zones de vie.

Même si le déploiement semble suivre les obligations inscrites aux licences, cela nous a mené à fin 2022 à un taux d’environ 10% de couverture du territoire, et il faudra attendre 2026 sans doute pour avoir un taux approchant celui de la 4G.

Quant aux performances annoncées à grand bruit comme « révolutionnaires »,  il faudra être patient et attendre 2025 et au-delà pour que les utilisateurs les perçoivent. En effet, pour que la 5G donne la pleine mesure de son efficacité et de ses promesses, il est nécessaire de construire un réseau filaire tout neuf derrière les relais. Actuellement, en France, les relais 5G s’accrochent sur l’infrastructure 4G (et ne peuvent pas fonctionner sans elle)

Les promoteurs de la 5G aiment à dire qu’elle apporte des solutions nouvelles et à forte valeur ajoutée aux entreprises. On peut l’espérer à terme, mais, en la matière, il nous faut faire le même constat que précédemment : la 5G d’aujourd’hui n’est pas plus performante qu’une bonne 4G et il faudra attendre les variantes de la 5G appelés dans le jargon normatif eMTC et URLLC, pour adresser correctement les applications professionnelles nécessitant des temps de latence court ou l'acheminement massif de données. En outre, certaines collectivités posent la question de la sobriété numérique devenue un critère de développement durable. Sur ce point, à ce jour, la 5G n'est pas spécialement exemplaire.